Le Closlieu, ainsi appelé par son fondateur, Arno Stern, fait référence à l’espace de jeu, c’est une sorte de matrice offrant au joueur un sentiment de sécurité, à l’abri des influences extérieures. Ses murs sont entièrement recouverts d’un papier kraft sur toute la surface de la pièce.
La table-palette est conçue pour accueillir 18 pots de couleurs ainsi que les pinceaux et l’eau. Située au centre de la pièce, elle est l’objet central de rencontres puisqu’elle favorise les circulations entre l’espace de sa feuille et les couleurs.
La feuille est un espace individuel, support et réceptacle de la trace, elle est punaisée au mur par le Servant du Jeu de peindre. Punaises sur lesquelles il n’est pas permis de peindre.
Le Servant du Jeu de peindre est un facilitateur, il est dévoué au bien-être des joueurs, il s’assure de leur confort gestuel. Il est le garant du respect des règles par la juste utilisation des pinceaux et de la peinture. Il est celui qui par sa posture, crée une situation propice à l’harmonie créatrice du groupe dans le respect de chacun.
Les Joueurs viennent les mains vides (sans matériel) et repartent les mains vides (sans leurs tableaux).
L’espace du jeu s’apparente à un territoire dans lequel on ne produit pas et pour lequel il n’y a pas d’obligation de résultat. Loin des préoccupations de la vie quotidienne, il s’agit simplement pour les joueurs, dans leur pratique régulière, de se reconnecter à leur spontanéité perdue. Les couleurs sont de fantastiques clefs ouvrant les portes de la feuille blanche sur autant d’images, qui d’ailleurs ne quitteront jamais l’atelier. Une façon simple et efficace de protéger l’intimité créatrice des joueurs. Ici la comparaison, la discussion n’y ont pas leur place. Le Jeu de peindre est une méthode naturelle pour retrouver le plaisir d’exister et celui de vivre avec les autres sans que l’esprit de compétition n’entrave jamais l’expression spontanée.
L’atelier du Jeu de peindre, c’est la mise en application directe des préceptes du vivre ensemble, une sorte d’aventure à la fois profondément personnelle et assurément collective. Des principes du ‘vivre ensemble’ plébiscités par la pédagogie par la nature. Voir l’article sur la PPN
Le fait qu’il soit ouvert à un groupe intergénérationnel offre une formidable occasion pour les enfants et les adultes de jouer ensemble pendant 1h30.
Le Jeu de peindre développe l’habileté, introduit le respect des autres et favorise l’attention. Autant de paramètres qui agissent sur le bien-être global et que tout éducateur rêverait d’intégrer dans sa pratique.
Peindre en jouant, ou Jouer en peignant : telle est la voie pédagogique que je souhaite transmettre auprès de petits et de grands.
J’entends déjà certains me dire qu’ils ne sont pas à l’aise avec le médium pictural, que ce n’est pas pour eux… À ceux-ci je répondrai que justement il ne s’agit pas ici de représentation de talents, mais bien d’expérimentation de la TRACE & de la MATIERE.
Le PINCEAU & les COULEURS sont les matériels grâce auxquels nous pouvons nous relier à notre humanité, par notre geste créateur et libéré.
Nous devons beaucoup au chercheur qu’est Arno Stern ; âgé de 98 ans, il aura consacré sa vie à faire reconnaître l’universalité de l’expression gestuelle chez l’être humain. Son travail expérimental au cours des années 60-70, mené auprès de ‘populations épargnées’, selon ses propres termes, lui aurait permis d’ériger un nouveau domaine scientifique, la ‘Sémiologie de l’Expression’. L’étude sémiologique s’intéresse aux caractéristiques universelles de l’acte traceur. Elle s’abstient de toute interprétation subjective et révèlerait une manifestation appelée ‘la Formulation’, elle-même renvoyant au concept de mémoire organique.
Autant j’adhère au caractère quasi scientifique à l’origine de la démarche didactique d’Arno Stern, autant le caractère quasi orthodoxe de sa pédagogie me questionne : il est indiscutable qu’elle fut innovante dans le milieu éducatif de l’époque, mais l’avant-garde peut-elle conserver son caractère inédit au fil des ans ?
Certaines pédagogies du 19ème siècle sont remises au goût du jour par des écoles dites ‘alternatives’, dont la plus répandue est celle inspirée de Maria Montessori ; mais combien de ses adeptes savent qu’elle intégrait des exigences religieuses ? Ou que parmi ses ateliers de Vie Pratique, l’un d’eux consistait en la préparation de messes !
Arno Stern fait lui-même référence au caractère sacré du Jeu de peindre, dans lequel le Servant serait le prêtre, le Closlieu le sanctuaire, la table-palette le rituel et les tableaux, les précieux coffrets de confessions.
J’avais bien perçu cette analogie avant même de l’avoir lue. C’est peut-être d’ailleurs la raison pour laquelle j’ai préféré être initiée à la pratique du Jeu de peindre par une de ses disciples, en qui j’avais une confiance absolue. Ce sera l’occasion de vous parler d’elle lors d’un prochain article.
Pourquoi sacraliser l’acte de peindre alors qu’il est en soi naturellement sacré ? Pourquoi créer une bulle coupée du monde ? Pourquoi créer un cadre matriciel ? Autant de questionnements qui me conduisirent à faire un choix.
Je décidai de ne pas suivre la formation dispensée par Arno Stern, ne voyant pas d’avantages à obtenir une certification qui, du fait de son coût, serait difficilement amortissable à long terme. Je choisis alors de m’inspirer de cette pédagogie pour ce qu’elle a de bon dans ses valeurs humaines. Aussi je listai chaque élément de la méthode par ordre d’importance. Je conservai les règles de vivre ensemble, le respect de celles-ci, la posture du Servant, je repensai le nuancier des 17 couleurs de la table-palette et j’ouvris les 4 murs de la pièce sur l’extérieur…
Je vous en dirai plus sur ma version personnelle du Jeu de Peindre dans un second article.
A très vite,
Ma découverte du jeu de peindre d’Arno Stern, pédagogue de l’éducation créatrice depuis 1948, remonte à la lecture d’un de ses livres fondateurs : ‘Initiation à l’éducation créatrice’, édité en 1970, que j’ai eu la chance de chiner il y a quelques années. Quant à la philosophie de la pédagogie, c’est mon amie, Catherine Melul, qui me la transmise dans le plus grand respect de son origine.
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