Mes premiers souvenirs de PEINTURE remontent à l’école maternelle. Je me souviens du plaisir intense que je prenais à peindre à la gouache sur de grandes feuilles blanches et aussi des encouragements de l’enseignante qui me félicitait. J’aurais pu passer des journées entières à tracer. Je revois les couleurs posées devant moi (mais pas les outils : étaient-ce des pinceaux ?) À l’école primaire, les feutres et les crayons de couleur vinrent remplacer les pots de peinture. Au mieux, nous avions droit aux boîtes de pastilles de gouache et aux petits pinceaux. Un matériel limité et limitant – je me souviens…

 Aussi pendant de nombreuses années, j’ai préféré le dessin ! Ce n’est qu’au lycée, alors que j’intégrai une section A3, que je renouai avec la peinture, mon médium de prédilection. Au fil de mes études universitaires (à la faculté d’arts plastiques) j’en explorais toutes ses dimensions.  Je n’ai jamais oublié l’énergie de ces riches années d’expérimentations, de découvertes et de partages, qui me portait tant et plus.  Et plus j’avançais et plus je me sentais libre d’explorer des pratiques et leurs univers associés. La théorie et la pratique ne suffisaient pas à étancher ma soif d’apprendre, aussi je ressentais la nécessité d’aller plus loin, en me confrontant au terrain. Je devins intervenante dans le domaine socio-culturel en parallèle de mes études. Très tôt je m’engageai pour une pratique des arts plastiques hors les murs, au service d’un public non initié. La vie filait à toute allure et je commençais à me sentir à l’étroit dans ce petit monde de l’art – celui des arts plastiques – il m’arrivait de me sentir hors-cadre. D’un côté j’évoluais dans un cercle inspirant et de l’autre j’avais du mal à adhérer à certains discours de mes pairs.

   Non que je n’appréciais pas l’histoire de l’art, puisque bien au contraire les découvertes de certains courants furent de véritables sources d’inspiration. Parmi les plus marquants figurent les peintres surréalistes avec leur univers onirique et leur palette de couleurs froides, puis les peintres de l’abstraction américaine avec leurs aplats de couleurs saturées et surtout leurs grands formats.

   Malgré mon amour de la couleur, couleur-matière, couleur-lumière, couleur-émotion, qu’elle soit monochrome ou nuancée, je ressentais un réel bien-être lorsque je peignais à l’aquarelle, à l’encre ou même au brou de noix. Le travail au lavis m’apportait un immense plaisir, et il était lié à l’eau. J’étais fascinée par l’infinité des nuances que l’on pouvait obtenir à partir d’un simple matériau. L’économie de moyens m’apportait au-delà de la contrainte, une certaine liberté dans l’acte créatif, et même me permettait d’être totalement à mon geste – c’était comme méditatif – j’avais l’impression de faire corps avec le papier, le pinceau et l’eau – j’étais comme diluée dans ma peinture, dans l’image qui prenait forme malgré moi. L’harmonie que je ressentais alors entre mon esprit, ma main et mon cœur, m’apportait une paix intérieure (un sentiment d’unité que je revis avec le VEDIC ART). Je me retrouvais dans la peinture chinoise, dans cet équilibre entre peinture et calligraphie, entre tracés et flaques. Aussi, j’écrivais mon mémoire de maîtrise sur l’un de mes peintres favoris, Pierre Alechinsky, reliant ainsi son œuvre à son désir calligraphique. J’avais 22 ans.

   Cette ambivalence émanant de la cohabitation de mon amour pour ‘l’artistique’ avec mon engagement pour ‘la créativité’, m’amena à explorer le monde de l’artisanat d’art. Était-ce un moyen d’explorer une troisième voie ? Je ne saurai le dire. J’empruntais ce nouveau chemin, les mains dans l’argile rouge, auprès d’un potier, à Meyssac en Corrèze, avant de découvrir la porcelaine blanche de Limoges. Ma première véritable rencontre avec le PIGMENT. Je créai une gamme d’objets d’arts de la table, peinte à la main, que je distribuai dans 3 boutiques (Bordeaux, Lyon et Paris). Je vivais la phase de préparation de la peinture comme un rituel. Chaque jour de travail avec le pigment couplé à celui de la cuisson, me semblait être différent et m’apportait son lot de contraintes que je transformais en idées nouvelles. J’étais fascinée par ce qu’il y a de magique dans chacune des étapes du processus de création, à commencer par celui du choix des couleurs. C’est la toxicité des pigments et des solvants utilisés en peinture sur porcelaine qui me fit m’orienter vers une autre pratique, toujours à partir de pigments, la peinture à l’œuf : LA TEMPERA.