04. Pédagogie par la nature | Enfance

CHÉRIR SON ENFANT INTÉRIEUR, TOUS DEHORS !

26 janvier 2023 par Ludwige Caracters

DE L’ÉCOLE EN FORÊT À LA PÉDAGOGIE PAR LA NATURE

D’aussi loin que je me souvienne, ayant grandi ‘en petite campagne’, nous allions régulièrement nous promener en forêt, et je n’aimais pas ça. L’injonction parentale à me faire sortir de ma chambre pour aller m’oxygéner, me fit redouter, au fil du temps, les dimanches en famille. J’avais peut-être dans les 8 ans, je n’étais pas sportive, et je préférais largement dessiner, peindre et écrire que d’aller dans les sous-bois, ramasser des champignons. Il en allait tout autrement lorsque je passais mes vacances en Dordogne, sur la ferme familiale, au cœur de la forêt périgourdine. Était-ce le fait d’être en totale immersion, de trouver fossiles et silex, de jouer avec mes cousins jusqu’à la tombée de la nuit ou tout simplement de me sentir libre ?

Aujourd’hui, avec le recul, je perçois l’impact qu’auront eu sur moi ces temps de liberté et de riches découvertes, notamment à travers l’expérience de jeux libres, au grand air, sans interventionnisme de l’adulte.  La ferme et ses dépendances, ses cours et ses prés, puis plus loin, ses champs et la forêt, prenaient la forme d’un immense terrain de jeu. Nous improvisions des parties de jeux à partir de ce que nous trouvions dans la nature : les branches nous servaient à fabriquer des arcs et des flèches, les fruits du noyer devenaient des balles pour des batailles, les fougères venaient tapisser nos cabanes… Nous n’avions pas de jouets, nous nous accommodions d’objets du quotidien, de la cagette aux outils agricoles, jusqu’aux tracteurs. Nous inventions des univers à la manière des jeux de rôles. Les dangers étaient inhérents à notre environnement, bien souvent renforcés par l’effet de groupe. Combien de fois me suis-je retrouvée attachée à un arbre, enfermée dans un grenier à grains, ou me suis-je mal réceptionnée après avoir sauté d’une hauteur certaine…, le plus marquant restera la fois, l’unique, où je me suis perdue en forêt !

Sans le savoir, je faisais l’expérience du Vivant : à commencer vis-à-vis de moi-même – mais aussi envers mes pairs – et naturellement dans mon contact avec les espèces environnantes. La nature était généreuse et abondante mais elle était aussi source de dangers. Elle était notre gardienne, notre instructrice, nous ne faisions qu’un avec elle, pour autant elle était vaste et moi si jeune ! Ce sentiment de protection, voire de communion, était encore plus fort lorsque nous nous trouvions en forêt. J’avais l’impression de pénétrer dans une autre dimension. Ce ressenti générait en moi un sentiment ambivalent, entre attraction et méfiance, lié sans doute à la fois au désir de découverte et à la peur de l’inconnu. Depuis la nuit des temps, la forêt nourrit notre imaginaire collectif, les mythes et les légendes y ayant largement contribué, quelles que soient les cultures et les périodes historiques. Tantôt perçue comme ‘un berceau de la magie’, tantôt appréhendée comme un refuge, ou simplement considérée comme ‘une terre nourricière’… Ce qui est certain c’est que notre lien à la forêt ne nous laisse pas indifférent, peu importe l’expérience vécue en son sein, nous n’en sortons pas indemne. La forêt semble interagir ; elle tend à nous dire et nous avons tant à apprendre d’elle !

Dans les années 80’, inconsciemment, je modelais, à la manière des enfants de La guerre des boutons, tout un pan de ma personnalité. J’étais loin de penser que cela me conduirait un jour, convaincue de la nécessité de restituer à l’Enfant son amour inné pour le VIVANT, à m’engager dans une démarche éducative au plus près de la nature !

C’est ainsi qu’en 2020, je démissionnai de ma fonction d’enseignante en arts plastiques de l’Éducation Nationale pour accompagner de très jeunes enfants selon les principes de la Pédagogie Par la Nature (PPN) en intégrant une Maison d’Assistante Maternelle (MAM) que je renommai : FORESTMAM BORDEAUX.

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LES NATURES DE LA NATURE

   Le mot NATURE a subi une importante évolution sémantique au fil du temps, à preuve la densité des écrits à propos de sa polysémie, dans tout dictionnaire. Au XIIème siècle, il est emprunté au latin natura, dérivé de natus, qui veut dire ‘né’. Il signifie le fait de naître, ainsi que l’action de faire naître, et de là ‘le caractère inné’, ‘naturel’. Par la suite, le mot ‘nature’ désigne plus largement l’ordre des choses, apparenté à l’usage qu’en font les Grecs avec le mot phisis qui veut dire ‘physique’. En philosophie, le mot natura évoque ‘un élément’, ‘une substance’. Ce n’est qu’au XVIIIème siècle que les termes de ‘nature végétale’ et ‘nature animale’ apparaissent. Le mot ‘nature’ peut donc à la fois désigner la composition et la matière d’une chose (son essence), aussi bien que son origine et son devenir, tout comme l’ensemble du réel, indépendamment de la culture humaine, ou encore l’ensemble des systèmes et des phénomènes naturels.

L’évocation courante du mot ‘nature’ nous amène généralement à visualiser un ‘espace verdoyant, vaste et infini, abondant et ressourçant’. Le fait de s’attarder sur la complexité de ce petit mot d’à peine 3 syllabes nous renvoie autant à sa difficulté d’interprétation qu’à sa richesse lexicale. Ce qui m’interpelle particulièrement, c’est le sens commun s’appliquant à tout être, dans sa capacité à naître, à croître, à faire partie intégrante du VIVANT.

L’ÉTRANGE PERMÉABILITÉ ENTRE LES MONDES EXTÉRIEUR ET INTÉRIEUR

   Le caractère imprécis de la définition du mot ‘nature’ entretient une ambiguïté dans la relation entre ‘humain’ et ‘nature’. Depuis quelques années, le contexte pandémique a largement contribué à l’émergence d’une pensée contemporaine et pluridisciplinaire, qui tend à revaloriser les ressources internes en chaque être vivant. L’objectif étant l’expression d’un plein potentiel à travers la sauvegarde d’un écosystème, un enjeu majeur de notre civilisation. Les neurosciences, avec leur étayage d’arguments scientifiques, tendent à conquérir les faveurs d’une assemblée de plus en plus large. Tout porte à croire que nous entrons dans une nouvelle ère, flirtant avec la pensée grecque. Le mot phisis venant lui-même du verbe phiein qui évoquait l’aptitude de la plante à croître à partir d’elle-même, ayant en son centre une capacité de changement interne et non pas à l’extérieur d’elle-même, à la différence d’un minéral.

Après avoir modélisé, au fil des siècles, une distinction entre Humain et Nature par le biais de représentations mettant à l’honneur la suprématie de l’Homme sur les espèces, le temps est venu de changer de paradigmes afin de sortir de notre anthropocentrisme collectif. On admet aujourd’hui que la Terre est en souffrance, victime de l’homme en quête de croissance. En cela la Covid 19 aura été un fabuleux accélérateur de cette prise de conscience : l’Humain est interdépendant du monde du Vivant – en quelque sorte, ‘Nous sommes la Terre’ – et de chercher, dans les pratiques des ‘peuples premiers’, des savoirs oubliés.

En cela, les courants de pédagogies alternatives, qui prônaient déjà des valeurs holistiques dans leurs pratiques éducatives, font figure désormais de pionniers en matière d’écoresponsabilité enseignée aux élèves. En apprenant très tôt aux enfants à prendre soin d’eux-mêmes, à coopérer avec le groupe, ainsi qu’avec les éléments, dans un espace favorisant l’autonomie et la créativité, idéalement au plus proche de la nature, les éducateurs contribuent à renforcer naturellement les liens entre ‘Enfant’ et ‘Environnement’. André Stern, fils d’Arno Stern, en créant le terme d’Écologie de l’enfance, prône le respect des natures et des rythmes, et met ainsi l’enfant au cœur des apprentissages. C’est évident, ‘Respecté, l’Enfant respecte’ !

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